Le photographe Aliocha Boi ravit les réseaux sociaux avec ses clichés colorés, humains et qui invitent au voyage. Nous avons rencontré cet artiste qui s’apprête à publier son premier ouvrage.
« Je travaille beaucoup sur la couleur ». Quand on rencontre Aliocha Boi, cela ne va pas de soi. Tout de noir vêtu, boots Dr. Martens, chevalière et mèche à la Alex Turner, le photographe a une présence à la fois forte grâce à un style affûté, et tranquille à travers une attitude calme, posée et nonchalante.
Ancien étudiant en communication à l’Université Sorbonne Nouvelle, Aliocha Boi, 28 ans, s’est lancé dans une carrière de photographe il y a 4 ans. Après des débuts dans la photographie d’urbex (exploration urbaine) et d’architecture, le déclic pour la photographie documentaire lui vient au cours d’un voyage à Cuba pour Havana Cuba en 2016. Depuis, ce citoyen du monde (né à Paris d’une mère canadienne et d’un père italien, il a vécu à Berlin et au Canada) capture les visages et les ambiances à travers la planète, qu’il réunit dans un ouvrage qui sera publié en avril. Rencontre avec un artiste autodidacte.
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De son père mathématicien, Aliocha a hérité d’une fascination pour les symétries, de sa mère historienne de l’art, l’esthétisme. Il débute donc sa carrière de photographe avec des photos d’architecture. Très composés, structurés, ses clichés cherchent à raconter l’histoire du lieu qui en est la scène. Rapidement, Aliocha voit les abonnés de son compte Instagram augmenter. « On m’a même filé l’étiquette d’’influenceur’, à un moment… J’ai un rapport particulier à Instagram. C’est un formidable outil de communication, j’essaie de le conceptualiser comme une exposition. D’ailleurs, c’est grâce aux réseaux sociaux que j’ai la chance de pouvoir faire beaucoup d’expositions ».
Il effectue un virage et se tourne vers la photo documentaire, ce qui n’entache pas son succès. « Le voyage, en photo, c’est primordial. » Ses reportages à Shanghai, Cuba, en Inde séduisent par leurs couleurs vives et leurs regards francs. L’une des particularités du portefolio d’Aliocha, qui dénote parmi celui des autres photographes ? La forte présence de textes explicatifs, façon carnets de voyages. « Aujourd’hui, on est dans une société où tout doit être expliqué. Mais la photo peut se passer de texte. J’ai cette tendance à expliquer pas mal ce que je fais, mais je ne sais pas si c’est positif. Je pense qu’on peut laisser une part d’intrigue, laisser libre aux interprétations de chacun ». Ancien aspirant journaliste, Aliocha a gardé ce désir de « témoigner du réel, raconter des histoires », qu’il exprime désormais à travers ses clichés.
« J’ai toujours été curieux de plein de choses. La photographie, c’est un bon moyen de témoigner du réel, d’une époque, et ça me fascine », explique-t-il. Pourtant, malgré cette envie de capturer l’instant présent, Aliocha précise : « ce sont l’avant et l’après qui sont importants, en photo. Le pendant, où on appuie sur le déclencheur, on ne se pose pas beaucoup de questions ».
Les reportages photos sont, explique-t-il, « scriptés, comme un film. On a un scénario et on sait à peu près ce qu’on va faire sur place ». Aliocha se concentre sur des éléments intuitifs et visuels avant de partir. « J’ai un attrait pour la couleur, une culture différente, les contrastes humains, économiques, sociétaux… Je cherche à documenter un pays à une époque donnée », raconte-t-il, faisant la lumière sur des choix comme la Chine, l’Inde et Cuba pour ses reportages.
Mais Aliocha, qui est aujourd’hui basé à Paris, ne documente pas seulement le bout du monde. Il a récemment réalisé un projet avec l’Unicef sous forme de polaroids, un format qu’il n’avait jamais essayé auparavant. Pendant un mois, il a réalisé des images Porte d’Aubervilliers, autour du thème de la migration. « C’était mon projet le plus difficile. Je n’avais jamais shooté en Polaroid, et il fallait approcher les gens, gagner leur confiance… ».
Un challenge supplémentaire pour cet autodidacte qui jongle entre projets dits « corporate » et personnels. « Au départ, je suis assez timide, j’ai un peu de mal à me vendre. Je n’ai pas fait d’école de photo, je voulais vraiment m’éloigner de ça. Aujourd’hui, je vis avec du corporate [des missions pour des entreprises, ndlr.], et je suis dans un collectif qui s’appelle Hans Lucas ». Aliocha explique que le statut de « free-lanceur » est très compliqué au début, mais que c’est un bon compromis pour avoir le temps pour des projets personnels. « Ce n’est pas un choix simple, vu la concurrence qu’il y a aujourd’hui dans le secteur. Mais j’ai la chance de pouvoir travailler sur des projets personnels en parallèle. C’est beaucoup plus instinctif, et je fais appel à des collaborateurs. Par exemple, pour mon livre, j’ai travaillé avec un poète, et pour mon projet sur ma grand-mère, avec un compositeur ». Quid de ses futurs projets ? « Je suis toujours en recherche de sujets, j’ai toujours envie de m’améliorer. En ce moment, j’ai envie de m’ouvrir à d’autres formats, comme la mode. Les photos en studio, ce n’est pas mon approche, mais ça m’intéresse. Actuellement, je travaille sur un projet sur Transibérien : je veux documenter un voyage dans ce train avec les gens en 3e classe, vivre avec eux. » Aliocha admet s’inspirer de certains photographes qu’il admire, mais en se restreignant : « Je ne veux pas trop m’inspirer, au risque de copier un travail qui a déjà été fait ».
Une vie trépidante, et une créativité en perpétuel tourbillon. Pourtant, Aliocha ne compte pas se reposer sur ses lauriers : « j’ai envie de développer ma pratique. Je veux vivre de mon art, c’est sûr, mais ça prend des années. La sortie du livre et mes expositions, ça tend vers cela ». On peut souhaiter un bon voyage à Aliocha Boi, dont l’œil expert continuera à ravir les nôtres, que ce soit sur des cimaises ou à travers les pages d’un beau livre.